CAUE Martinique

Droit à l’alimentation et développement durable

Quand manger devient un luxe

Les pays en développement représentent plus de ¾ des personnes ayant faim dans le monde. Qu’ils soient petits paysans, travailleurs agricoles sur les grandes plantations ou populations vivant essentiellement de la pêche, de l’élevage ou des ressources de la forêt, force est de constater que leurs faibles revenus ne leur permettent pas de se nourrir dignement et suffisamment. Le paradoxe vient du fait que la nourriture produite par ces pays ne satisfait pas les besoins de ceux qui les produisent car elle est destinée essentiellement à l’exportation.
Les pays développés connaissent essentiellement une autre forme de pauvreté, celle qu’on appelle la pauvreté urbaine. Cette dernière a été déclarée « défi mondial » lors de la réunion internationale de Recife au Brésil sur la pauvreté urbaine (17-21 mars 1996). Cette réunion préparatoire à la conférence « Habitat II » a été suivie par 35 pays, des fondations privées, des ONG (organisations non-gouvernementales), des spécialistes de l’ONU et d’autres experts internationaux entre autres…
Une des conclusions de cette réunion au sommet fut :
« Dans un monde en constante urbanisation où les grandes villes se développent très rapidement, la pauvreté urbaine et la gestion des agglomérations urbaines seront l’une des préoccupations majeures du XXIe siècle, aussi bien pour les pays industrialisés qu’en voie de développement ».

Intéressons-nous au cas des pays développés. Depuis les années 1970, ils connaissent un exode rural. Des populations entières laissent la campagne pour la ville pour y trouver travail et confort de vie, et cela, dans le monde entier. La Martinique a aussi connu cette situation : de nombreuses familles ont quitté la campagne, pour s’installer notamment à Fort de France, engendrant des quartiers spontanés comme Trénelle, Citron ou Volga Plage… En 2008, plus de la moitié de la population mondiale vivait en ville.
Or, la ville a ses limites et les industries et les services qu’elle propose ne peuvent ni faire face ni absorber cette main d’œuvre qui ne cesse de grossir. Aujourd’hui, les personnes issues de l’exode rural n’ont accès qu’à des emplois précaires ou mal rémunérés et vivent sur les minima sociaux quand ils existent. La pauvreté urbaine touche de plus en plus de citoyens, de familles, de jeunes et de personnes âgées.

Les réseaux d’aide dans les pays développés

En 2009, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les personnes ayant faim ont dépassé le milliard d’individus. L’alimentation est passée du statut de fonction à celui de droit. Droit qui était si mal respecté que l’ONU a dû créer, au début du XXIe siècle, une fonction nouvelle : celle de Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation.

Pourtant en France comme dans beaucoup de pays, des initiatives se sont multipliées durant ces dernières décennies. Des associations, des bénévoles, des distributions de repas, ont largement contribué à répondre à ce qui semble être devenu un luxe pour certains : se nourrir.

Le 13 mars 1984, Sœur Cécile Bigo, religieuse du Sacré cœur écrivait une tribune dans La Croix intitulée « J’ai Faim ». Ce cri du cœur dénonçait déjà la pauvreté qui cohabite avec le gaspillage de denrées alimentaires. En disant : «…Quelle est la personne de génie qui surgira et aura assez d’astuce pour mettre en place, avec d’autres, le procédé de récupération rapide et efficace des aliments avant qu’ils ne soient jetés dans nos poubelles…», elle fit preuve de courage et son positionnement inspira le 1er réseau d’accompagnement alimentaire en France. La Banque alimentaire française fut ainsi lancée par Bernard Dandrel et cinq associations (Secours Catholique, Emmaüs, Armée du Salut, Entraide d’ Auteuil et Entraide protestante). Ils se sont appuyés sur le modèle des Food Banks américaines (FBA). Trente et un ans plus tard, les banques alimentaires régionales ou départementales aident encore au quotidien 1 400 000 personnes en France et dans les départements d’outremer.

Il y a trente ans, le 26 septembre 1985 Coluche, humoriste français lançait sur la radio Europe 1 : «… J’ai une petite idée comme ça (…) un resto qui aurait comme ambition, au départ, de distribuer deux ou trois mille couverts par jour »… L’idée a fait son chemin et les Restos du cœur sont nés. Aujourd’hui c’est 950 000 personnes qui sont accueillies et plus de 128 millions de repas qui ont été distribués.

Il y a quinze ans naissait en France, l’Association Nationale Des Epiceries Solidaires (ANDES) partant du constat suivant : «…La nourriture est dans notre société un plaisir, un acte social de convivialité et de partage. Il paraît alors indispensable d’offrir à des personnes en situation d’exclusion une nouvelle forme d’aide alimentaire capable d’allier le choix, la qualité, le respect du goût, des cultures et des habitudes… ». Il ne s’agissait plus de donner mais aussi d’accompagner des personnes en difficulté économique dans leurs projets. Ainsi, les épiceries sociales et solidaires se sont développées en France à la fin des années 1990. Elles ont d’abord été portées par des Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS), puis par des collectifs d’associations ou par des initiatives citoyennes.

En route vers une gestion durable de nos ressources

Banque alimentaire, Restos du cœur, et épiceries solidaires… sont des exemples parmi tant d’autres qui prouvent que malgré les initiatives et l’investissement de plusieurs associations, le mal va en grandissant et que les remèdes sont insuffisants. Ce mal concerne bien évidemment les populations pauvres et en mal développement mais aussi, ce qui est surprenant, les pays développés. A côté de celui qui jette, se trouve celui qui a faim. Il est donc nécessaire d’intégrer que la pauvreté invite l’humanité entière à être solidaire mais surtout à consommer autrement.
Prendre conscience de ce qu’on a, le partager, ne pas le gaspiller sont au cœur du développement durable défini dans le rapport Brundtland en 1987 qui invite à mettre en place « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. »

Le droit à l’alimentation est réellement au cœur des préoccupations de ce siècle, et influera sans aucun doute sur la gestion des ressources de demain. Il s’agit certes de développer les réseaux d’entraide mais aussi de :
• Responsabiliser chacun au respect de la nourriture et à la lutte contre le gaspillage alimentaire fréquent dans notre société moderne et « riche ». En d’autres termes : consommer moins et mieux ;
• Respecter la dignité humaine dans ses difficultés ;
• Comprendre les impacts d’une mauvaise gestion de nos ressources sur notre environnement immédiat et futur ;
• Convaincre les fabricants d’éviter le suremballage et la surproduction afin de générer moins de déchets et donc moins de pollution. Et, en cas de surproduction, il convient de favoriser et de banaliser les actions de récupération des surplus pour les plus démunis ;
• Chercher les solutions contre la faim dans son environnement proche quand c’est possible.

Conclusion

Aujourd’hui, avec les nouvelles menaces que font peser le changement climatique et l’épuisement de nos ressources naturelles, la question de la faim reste très complexe. La capacité de la planète à continuer de se nourrir à l’horizon 2030-2050 est un vrai questionnement. Nous sommes aujourd’hui contraints de développer une agriculture qui permette d’accroitre la production pour répondre à une demande croissante. Nous sommes aussi contraints d’équilibrer et d’harmoniser la distribution de cette dernière pour que chacun soit nourri dignement. Il convient aussi de favoriser le retour à la ruralité, à la proximité, c’est-à-dire qu’il puisse y avoir des échanges directs entres les producteurs et les consommateurs… Il est nécessaire de donner un revenu digne aux petits paysans qui ont la capacité de produire sans accélérer les dérèglements climatiques et l’épuisement des sols dont l’agriculture intensive est très largement responsable. Des solutions de gestion durable de nos ressources, qui ne compromettent pas la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins, doivent être généralisées.

 

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