Habitat collectif social : Entretien avec la SMHLM

Les bailleurs sociaux sont les premiers acteurs du logement collectif social. Il nous a paru indispensable d’interviewer un de nos bailleurs sociaux historiques : la SM HLM (Société Martiniquaise d’Habitat à Loyer Modéré), afin d’avoir son avis sur la situation du logement collectif à la Martinique. Nous avons rencontré Mme Christelle DIB-PITROLLE, directrice des services à la clientèle et M. Alain PHILIAS, directeur technique, qui ont bien voulu répondre à nos questions.

 

CAUE : Compte tenu des problèmes de foncier en Martinique (manque de terrains, problèmes d’indivision), comment la SM HLM arrive-t-elle à trouver de nouveaux terrains pour ses projets immobiliers ?

SM HLM (M. PHILIAS) : Très bonne question ! C’est le fondamental. Un bailleur social par définition est destiné à loger des populations démunies. Pour loger il faut construire, pour construire il faut des terrains. La grosse problématique, que nous rencontrons depuis le début de la défiscalisation (années 2000), est la cuisante raréfaction du foncier. Il faut savoir que par le passé, les collectivités – les mairies principalement – avaient des réserves foncières qu’elles nous amenaient soit par voie de bail emphytéotique soit par l’intermédiaire d’aménageurs, en partenariat avec les mairies, qui ciblaient les zones à urbaniser et à développer en logements et ainsi nous proposaient des parcelles viabilisées à acquérir. La majeure partie des grosses opérations de la SM HLM de l’époque s’est faite ainsi jusqu’en 2001-2002. A partir des années 2000, les aménageurs, comme la SEMAFF ou la SODEM, ont commencé à péricliter. Il y avait moins de disponibilités de terrains au niveau des communes. La SM HLM a dû commencer à changer son « fusil d’épaule » et rechercher du foncier comme un promoteur. Les sources de recherche du foncier sont essentiellement les agences immobilières, les petites annonces, le bouche à oreille, les notaires. Un outil a été créé pour palier à ce manque de foncier : L’EPFL (Établissement Public Foncier Local de la Martinique). Il s’avère malheureusement que nous n’avons pas les résultats escomptés avec cet outil qui a été créé depuis 2012.
Je m’explique : sur des villes comme Sainte-Marie en 2013, j’ai pu identifier plus de 30 ou 40 petites parcelles avec des ruines, maisons abandonnées, en friche, pas d‘habitants, au centre-bourg. Renseignements pris auprès de la mairie il y avait plus d’une vingtaine d’héritiers. Il était difficile voire impossible de tous les recenser et de les mettre d’accord. Avec la mairie, nous sommes passés par l’EPFL. C’est n’est que maintenant en 2018 que les premières ventes ont abouti, ce qui est très long.
Les délais importants sont liés aux difficultés de certaines mairies à lancer des procédures de DUP (Déclaration d’Utilité Publique) ou à faire des déclarations « de biens sans maîtres » pour la récupération des fonciers, mais c’est très long. L’EPFL a plus de difficulté à mobiliser du foncier en Martinique par rapport à la France hexagonale.

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : L’indivision crée un véritable problème pour la stratégie de la SM HLM. Depuis une bonne dizaine d’années, la SM HLM réinvestit les centres-bourgs. Il n’est plus opportun en effet de construire dans les campagnes et de demander des déclassements de terrains, alors que les centres-bourgs répondent à un vrai besoin de proximité, notamment de la part de la population âgée. De manière expérimentale, nous avons réutilisé d’anciens bureaux en les réaménageant en logements, et nous aimerions poursuivre cette expérience en limitant les difficultés dues à l’indivision.

SM HLM (M. PHILIAS) : Depuis 2004 -2005, notre stratégie s’est recentrée sur les centres-bourgs, (par exemple à Fort de France, aux Terres Sainville, et au bourg de Saint-Pierre) où des petites unités récentes ont été réalisées plus facilement, ayant toute la partie viabilisation (eau potable, défense incendie, station d’épuration, égout public) déjà présente.

 

CAUE : Est-ce donc plus rentable de faire de petites unités en centre-bourg ?

SM HLM (M. PHILIAS) : Plus rentable … Attention ! Je parlais précédemment de notre mission qui est de construire pour loger les plus démunis, mais pour les loger, cela a un coût de construction : le plus bas possible, pour pouvoir sortir un loyer le plus adapté et en adéquation avec le type de public que l’on va loger. Nombreux sont ceux qui parlent de logement social en Martinique mais qui n’ont pas intégré que, derrière cette notion, il y a un locataire qui est limité pécuniairement.
A l’époque du « boom » de la défiscalisation et des promotions privées (SCI : Société Civile Immobilière), il y a eu une surenchère sur le foncier menée par les propriétaires. Par exemple à Gondeau, au Lamentin, le terrain acheté par la SM HLM à la fin de la défiscalisation à 65 €/m², nous avait été proposé auparavant à 126 €/m².
La récession de la construction du logement social de l’époque est principalement due au fait que nous ne pouvions plus investir dans le foncier.

Enfin, les mairies et maintenant les EPCI ( Etablissement Public de Coopération Intercommunale), ont un rôle important dans l’aménagement de leurs territoires à travers l’élaboration de leurs documents d’urbanisme. Nous espérons travailler avec eux dans le cadre d’un partenariat beaucoup plus étroit afin de créer des aménagements et des réseaux d’assainissement qui nous permettront de construire le logement social de demain.

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : Si l‘effet défiscalisation a eu du bon, on a eu en fait, un effet très pervers. Et plus de dix ans après la loi Girardin, on voit quand même l’état du parc. Le parc social est souvent confondu avec le parc privé et vice-versa, tellement la dégradation est manifeste.
Il est vrai que les bailleurs sociaux sont souvent pointés du doigt par rapport à l’absence de constructions ces dernières années. Cependant, il faut mettre aussi en parallèle soixante ans d’histoire pour les anciens bailleurs comme la SIMAR, ou quarante-cinq ans pour nous. Nous avons un patrimoine qui a quand même bénéficié d’une période florissante, entre les années 1970 et le début des années 2000, qui a permis de construire plus de 1 000 à 1 500 logements par an tous bailleurs confondus. Aujourd’hui, nous sommes en train de revoir notre stratégie dans la mesure où nous sommes dans un territoire vieillissant, c’est aussi notre métier de nous adapter à l’évolution du territoire et à la démographie. Il n’est pas forcément plus facile de construire dans les centres-bourgs parce que, bien qu’il y ait des aménagements, il y a aussi des contraintes en termes de construction et de coût. Le logement social, par essence collectif, représente chez nous 90 % de notre parc locatif. Les bailleurs sociaux concentrent aujourd’hui le quart de la population martiniquaise, ce qui n’est pas négligeable. Donc, dans notre métier, il y a en plus de la construction, de la gestion et de l’entretien de qualité sur du long terme des immeubles, la gestion des gens qui y habitent. Il est vrai qu’en termes d’exploitation, une résidence en centre-bourg avec peu de logements est une opération qui vit bien et qui reste à l’échelle du territoire.

SM HLM (M. PHILIAS) : Dans les petites unités, la cohésion est nettement meilleure, les gens se parlent, ils s’approprient l’espace, ce qui est plus difficile dans les opérations comptant une centaine de logements voire un peu moins. Ces anciennes opérations sont impersonnelles. Même sur les Terres Sainville, où nous avons une vingtaine d’opérations, une fois que l’on a réglé les problèmes de contrôle d’accès et de sécurité du bâti, les habitants y vivent bien. On retrouve, là un lien social qui tend à se perdre, notamment dans les grands ensembles.

Certains bailleurs se sont orientés vers l’acquisition en VEFA (Vente en l’Etat Futur d’Achèvement) par le biais des promoteurs. La SM HLM n’a pas souhaité se diriger vers cette option. En effet, le coût final de ce type d’opération entraine des loyers toujours trop importants qui ne correspondent pas à notre clientèle. Notre stratégie est de faire de « l’autoconstruction ». Nous achetons un terrain, nous désignons nos équipes de maîtres d’œuvre, nos architectes, nous suivons nos opérations. C’est ainsi que nous maîtrisons les coûts de construction.

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : C’est vrai qu’il s’agit d’une vision de la SM HLM qui s’est perpétrée de gouvernance en gouvernance, c’est cette idée de gérer du logement sur du long terme pour pouvoir maintenir effectivement une qualité. C’est dès le départ qu’il faut anticiper sur cette gestion à long terme. On construit du logement social, on construit pour 99 ans et non pour 10 ans. Il faut donc être imprégné de cette vision-là dès le départ, en se disant que l’on n’a pas intérêt à se louper parce que c’est un pari à minima sur 40 ans et au plus à 99 ans. Les tours Eliane et Germaine de Godissard ont fait l’objet de nombreuses réhabilitations et rénovations au fil des années afin de maintenir une certaine qualité de vie. A leur vingtième année, il y a eu de gros travaux ; à la trentième année, de la concertation locative pour réaménager et moderniser un peu les espaces extérieurs ; à la quarantième année, des travaux sur l’intérieur (des menuiseries, du contrôle d’accès, etc.). Ce sont des tours qui ont plus de quarante ans mais qui ont évolué techniquement. Grâce aux rénovations citées précédemment, nous avons des locataires très heureux d’habiter dans ces tours et d’y rester. Certains de nos locataires sont là depuis leur livraison.

 

CAUE : Il y a une problématique qui a été soulevée par notre architecte P. Volny-Anne, quant à des particuliers qui viennent nous voir au CAUE, ayant affaire à des professionnels que l’on appelle des courtiers en immobilier, dont certains proposent des promotions immobilières déguisées. La question est de savoir si vous êtes touchés par ce type de société ?

SM HLM (M. PHILIAS) : Non, on les voit venir de loin. Nous avons une bonne expérience qui nous permet de connaître ce type de société.

 

CAUE : Est-ce que les différentes lois sur l’accessibilité, les Eurocodes, ou encore la RTAADOM ont impacté le coût de revient des logements?

SM HLM (M. PHILIAS) : Oui absolument ! Cela a été démontré par des études et par le Cobaty qui est un organisme qui fédère un peu tout le milieu socioprofessionnel. On constate une augmentation du coût de construction de 6 à 8 % depuis la RTAADOM ( Réglementation Thermique Acoustique et Aération pour les DOM ) et l’adaptation pour les personnes handicapées. Ce coût a été absorbé puisque l’on s’est adapté. Nous nous y sommes tenus puisque en tant que bailleur on respecte la réglementation. Nos concepteurs et nos entreprises se sont adaptés pour tous nos projets depuis 2005. Cela nous coûte plus en frais d’honoraires parce que nous devons missionner, en plus de l’architecte, un bureau d’études thermiques spécifique. Par exemple, l’idée en théorie est ne pas avoir de climatiseur dans les logements. Depuis 2012, les opérations répondent à ces critères. Mais en pratique, tous les jours nous recevons, depuis qu’EDF a mis en place la prime pour les climatiseurs, 6 à 7 demandes de poses par semaine ! Ce que nous ne connaissions pas auparavant. Avant la prime, ces demandes restaient occasionnelles.
Malgré tous les investissements, plus coûteux, mis en place suite à la RTAADOM et la RTM (la ventilation, des bardages avec des isolants en façade, davantage de fenêtres orientables pour la perméabilité) les gens continuent à climatiser. Donc l’objectif n’est pas atteint.
Il y a quelques années, les écoles et les administrations n’utilisaient que des ventilateurs pour rafraichir l’air. Aujourd’hui, la climatisation fait partie du quotidien, du lieu de travail à la maison en passant par la voiture. Nous vivons dans une atmosphère climatisée en tout temps et en tout lieu. On nous demande un climatiseur même dans le séjour !
Il s’agit d’un confort devenu nécessaire pour un grand nombre de locataires. Nous avons alerté EDF dans le cadre de plusieurs séminaires organisés par l’ADEME.
Au-delà de l’aspect énergétique et « économie d’énergie », le climatiseur est devenu un moyen de s’isoler des nuisances sonores extérieures ou encore des insectes : « On ferme et on climatise ». Cela fait partie de notre métier de sensibiliser nos locataires à la maîtrise de l’énergie en leur apprenant quand utiliser sa machine à laver, son fer à repasser, par exemple.

SM HLM (M. PHILIAS) : Nous irons dans ce sens, Avez-vous entendu parler des compteurs EDF LINKY ? Ce sont des compteurs intelligents qui permettront à l’utilisateur de voir sa consommation à l’instant donné et d’avoir des consommations à la carte. Ce système permettra d’adapter son comportement à la consommation qui sera affichée sur un écran.
Concernant la règlementation en vigueur sur le parasismique, prévue dans l’Eurocode 8, elle nous a impacté mais de façon moins importante. Le pourcentage d’augmentation recensé est de l’ordre de 3 à 4 %.
Au niveau des coûts de construction, l’augmentation la plus importante revient à la gestion des déchets des matériaux de chantier. En Martinique, il y a de moins en moins de décharges à ciel ouvert. Sur les chantiers, il faut que chaque entreprise sélectionne, trie ses déchets et les mettent dans des bennes de récupération séparées. Ce qui entraine une augmentation du prix des travaux. Les décharges n’acceptent pas les déchets non triés. Désormais, le tri des déchets sur les chantiers est imposé dans le cahier des charges. La SM HLM l’a intégré dans ses marchés pour chaque lot et corps d’état séparés.
Pour ce qui est de l’accessibilité, nous n’avons pas attendu la réglementation en 2012. Nous avons généralisé l’accessibilité aux étages de toutes nos résidences, même s’il n’y a pas d’ascenseurs. Il n’y a plus de bacs à douche rehaussés, l’accès entre le séjour et la loggia est adapté. Tout a été adapté pour qu’une personne puisse vieillir dans son logement (sauf en cas d’handicap fort).

CAUE : Les dispositions de la loi Elan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique portant sur les HLM (regroupement des organismes, cessions de logements sociaux à un investisseur privé, …) sont-elles une bonne chose en ce qui concerne la Martinique ? Quelles sont les conséquences de ces évolutions législatives sur les biens immobiliers proposés ?

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : Une chose est certaine c’est que la loi ELAN n’est pas une loi régionale, c’est une loi parisienne, il faut être clair là-dessus. Les bailleurs sociaux, en tous les cas les trois historiques,  ont rencontré les sénateurs au mois de Juin dernier, souhaitant partager avec eux leurs craintes par rapport à ces dispositions qui ne sont pas en adéquation avec nos réalités territoriales. C’est vrai que l’on parle d’égalité réelle, mais on a quand même des disparités sur les territoires. Juste un exemple par rapport au regroupement des organismes : à Paris intra-muros, vous avez 70 bailleurs sociaux qui ont des patrimoines qui vont de 500 à 150 000 logements. Vous pouvez effectivement solliciter un regroupement des bailleurs, notamment des 30 bailleurs qui ont moins de 1 000 logements, pour monter des entités de façon à mutualiser les coûts. Dans les DOM, plus spécifiquement en Martinique, les trois bailleurs historiques, qui logent le quart de la population, ont un peu plus de 10 000 logements chacun. Ils pouvaient se suffire amplement en travaillant comme ils le font déjà, de façon collégiale sur certains sujets et avoir des stratégies territoriales complémentaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, les DOM ont été exclus du dispositif de regroupement. Suite à cette mesure, les deux autres bailleurs ont entretemps été rachetés par des groupes nationaux : Ozanam par Action Logement (400 000 logements) et la SIMAR par CDC Habitat (1 million de logements).

La loi ELAN a la volonté de vendre du parc social pour amener un choc de l’offre, mais quant à Paris, la vente d’un logement social permet la construction de 2 logements, en Martinique on est sur l’équation inverse. Nous faisons de la vente HLM depuis les années 2000. Depuis cette date, nous avons mis en vente 7 de nos résidences, mais en vendant un logement à 50 000 €, on en reconstruit un à 110 000 voire 125 000 €. Ce n’est donc pas du tout la même équation. Ces dispositions ne correspondent pas aux réalités de nos territoires.

L’obligation du concours d’architecte pour toutes nos opérations, est un élément très impactant. Sur des petites opérations de 4 logements, il n’est pas viable de faire ce type de concours. En nous soumettant à cette demande, nous ferons 4 logements en 8 ans ou 10 ans, ce qui entrainera une augmentation fulgurante du coût de construction.

La crainte des architectes est aussi de voir des cabinets d’architectes européens qui répondent à ce genre de petites opérations au détriment des architectes locaux. On peut imaginer faire ce type de concours à proximité d’un monument particulier ou encore sur 50, 60, 100 logements, mais pas sur 4 logements. Ce qui est rassurant, c’est que dans le projet de loi ELAN qui est passé en dernière lecture auprès des sénateurs, un certain nombre d’amendements portés ont été entendus. On espère donc un retour au niveau de l’Assemblée Nationale et que les amendements, qui tiennent compte de ces spécificités, resteront.

 

CAUE : Offres et demandes. Votre production de logement est-elle en hausse ?

SM HLM (M. PHILIAS) : Notre production va stagner voire même diminuer, l’idée c’est de changer un peu le métier, nous avons parlé des difficultés d’acquérir du foncier. A l’avenir il s’agira peut être d’acquérir des immeubles en bon état, sains au niveau structure et les transformer pour les réhabiliter en logements, principalement dans les centres-bourgs. Dès que nous aurons les opportunités foncières en zone péri-rurale ou en zone rurale bien sûr on ira construire, mais il nous faut du foncier.

Par la rénovation en lien avec les normes parasismiques, à l’accessibilité, par la réhabilitation des opérations les plus anciennes, le parc évolue quand même. Lorsque l’on regarde la courbe de croissance de la SM HLM, nous avons quand même une production. En fait nous sommes dans une courbe croissante, même si elle tend à se stabiliser, nous avons quand même un parc qui évolue à travers certaines opérations de niches. Nous avons eu notamment l’occasion de transformer (et cela va encore se faire) de très grands logements (F5 ou F6), dans des opérations anciennes, en logements plus petits, permettant du coup un vrai parcours résidentiel pour nos locataires qui sont arrivés il y a 30 ans, avec femme et enfants, qui se retrouvent, seuls et vieillissants, sans pour autant changer d’environnement. Ces restructurations permettent une évolution croissante du parc, certes moins rapide que dans les années 1980/1990/2000.

CAUE : Que représente la SM HLM en termes de nombre et de types de logements ?

SM HLM (M. PHILIAS) : L’ordre de grandeur en termes de logements est entre 150 et 200 logements par an. En 2013-2014 nous avons livré 400 logements. Cette année, nous avons régressé en présentant 200 logements et pour les années futures nous prévoyons 150 logements environ.

Aujourd’hui la SM HLM c’est :
– 10 300 logements ;
– 449 chambres étudiantes. Les tours du CROUS : Khâgne et Hypokhâgne sont des réalisations de la SM HLM (nous ne gérons pas la partie exploitation, mais toute la partie maintenance et technique est gérée par la SM HLM);
– des Foyers des Jeunes Travailleurs (FJT);
– 7 EHPAD ;
– la gendarmerie de Saint-Joseph avec des logements, des bureaux et la caserne ;
– l’Hôtel des impôts du Marin.

En tant que bailleur nous avons un patrimoine très diversifié. Nous sommes très sollicités pour la réalisation des EHPAD, mais nous avons un peu ralenti ce type d’activités pour des problèmes de paiements de loyers. Aujourd’hui, sur nos 10 300 logements, nous devons avoir un peu plus de 300 villas en bandes, presque 40 % de notre parc se compose de F3,
30 % de F4, et depuis une dizaine d’années, une montée en puissance des petits logements : soit 22 % de F2.

Nous sommes le bailleur social à avoir le plus de F2 en termes de typologie de patrimoine. D’année en année, du fait de la construction des EHPAD, des logements de type F2, de création de résidences dans les bourgs et enfin du lancement en 2008, d’une résidence « séniors », les locataires de plus de 60 ans se dirigent plus facilement vers la SM HLM plutôt que les autres bailleurs.
Nous avons plus de 220 résidences qui sont réparties de Grand-Rivière (nous sommes le seul bailleur social dans la commune) à Sainte-Anne. Nous sommes présents dans 31 communes de l’île.
Nous avons la volonté de partenariat avec les mairies et les entreprises. Par exemple, les opérations de logements à Grand’Rivière ont nécessité une logistique importante, difficile à mettre en place. Pourtant, en termes d’exploitation nous sommes vraiment très heureux parce que nous avons des locataires qui sont satisfaits, les résidences sont bien entretenues, parfois même par les locataires eux-mêmes,

et nous avons une vraie appropriation des sites sans abus. Ils ne sont pas locataires, « ils sont chez eux ».
La vocation initiale du parc social n’est pas de « garder les gens ». Au début, au 20ème siècle, le parc locatif social était majoritairement composé de jeunes couples sans enfants qui projetaient de déménager une fois que la famille s’agrandirait. Aujourd’hui, ce schéma est de moins en moins vrai. Actuellement, obtenir un logement social est déjà, pour certains, un aboutissement, parce qu’un logement social, est un logement bien entretenu et que le locataire pourra y rester le plus longtemps possible.

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : Au-delà du changement de mentalité, il y a la conjoncture actuelle quand on voit le profil des demandeurs. Jusqu’aux années 1990, il n’y avait pas de plafond de ressources, tout le monde avait accès au parc locatif. Des catégories de populations prioritaires ont été mises en place en 1990 avec la loi BESSON, et c’est à cette période que l’expression « logement social » a été évoquée. Paradoxalement, l’Etat a gardé le principe de mixité sociale dans le parc HLM tout en ciblant par des lois des catégories de population les plus défavorisées. Donc, d’un côté on nous demande de la mixité et en même temps on abaisse les plafonds de ressources, notamment dans les DOM où ils sont déjà inférieurs à ceux de la France hexagonale, sous prétexte que les fonctionnaires ont 40 % de prime « à la vie chère ». En 2009, on s’est retrouvé à ne pas pouvoir louer un logement à un couple qui gagnait le SMIC parce qu’il dépassait les plafonds mis en place. Ainsi, en 2009, un jeune couple sans enfant se retrouvait exclu du parc HLM.
Aujourd’hui, les plafonds remontent un peu. Nous nous sommes adaptés à ces mesures en mettant en place des produits intermédiaires : des logements de type PLS pour pouvoir répondre aux petits revenus.
Du fait de la conjoncture et des évolutions législatives, le parc social a la vocation de faire plus d’insertion sociale et de plus en plus d’inclusion sociale. On nous demande de reloger des personnes « sortants de rue », des personnes victimes d’exclusion sociale. Cependant avoir un logement n’est pas une fin en soit. Lorsque des « sortants de rue » passent directement de la rue au logement et que l’on constate qu’ils continuent à dormir à l’extérieur du logement sur le palier, c’est parce qu’ils ne sont pas prêts…

Nous avons vraiment à réfléchir sur un parcours résidentiel. Qu’ils partent peut être de la rue, mais avec un hébergement et un accompagnement avec un suivi social ! Et, quand cette personne est prête, qu’elle ait un logement autonome et qu’elle soit accompagnée. Accompagnement qui diminuerait au fur et à mesure…

Aujourd’hui, c’est une des réalités du parc social. Vous ne pouvez pas demander à quelqu’un qui touche le RSA de mettre de l’argent de côté pour construire un jour, nous ne sommes plus aux profils de locataires rencontrés il y a 30 ans. La vocation du parc HLM est de loger à long terme cette population. La moyenne du bail augmente (15 ans, 18 ans, sur le territoire de la CACEM au lieu de 11 à 12 ans dans les années 90), on a une mobilité résidentielle plus faible que dans l’hexagone. C’est tout l’intérêt pour nous au moment de la construction de penser « long terme » et d’entretenir nos résidences…

 

CAUE: A combien s’élèvent les besoins en logements sociaux en Martinique ? Et pour quels types de population ?

SM HLM  (Mme DIB-PITROLLE) : Il faut faire une distinction entre les besoins de logement et les désirs de logement. On a 10 000 de demandes de logements par an, mais en même temps il y en a 5 000 ou 6 000 qui ne sont pas renouvelées. Est-ce que les demandes relèvent d’une opportunité (par exemple, j’ai vu un panneau de la SM HLM, je n’ai pas de véritable besoin mais je me positionne pour un logement ? Les profils de demandes sont divers. Il existe par exemple des demandes de mutations de logement : « j’ai déjà un logement mais je cherche un logement plus adapté à mes désirs/besoins ». Ou encore « Nous cherchons un logement en couple, nous aurons peut-être plus de chance en faisant des demandes séparées ? » Tous ces profils faussent les chiffres officiels de demandes de logements surtout quand on sait que 24 % des logements du parc privé sont vacants.

 

CAUE : Avez-vous eu des rencontres avec des représentants du parc de logements collectifs privés ?

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : On se rencontre dans certaines circonstances, du fait de la loi DALO (Droit Au Logement Opposable), en commission. Nous y voyons les représentants des agences immobilières, des syndicats de bailleurs privés et par moments nous pouvons échanger. En Martinique, il y a une agence immobilière à vocation sociale qui recherche des logements du parc privé et les proposent des prix sociaux similaires au logement social. L’idée serait d’avoir des éléments de comparatifs (loyer parc social, loyer parc privé). Malheureusement dans le parc privé il y a beaucoup plus d’acteurs et c’est un peu plus compliqué de recenser les données. Et les intérêts ne sont pas les mêmes.

 

CAUE : On peut avoir le l’impression que les choses sont un peu confuses.

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : Tout à fait,  en fait c’est un vrai mille feuilles ! Il y a des choses qui se superposent. Il y a des expériences dans des villes en Europe ou encore en France. Le projet Lille-Métropole avait pour objectif la volonté de mettre en place un loyer unique pour un même type de logement quel que soit le bailleur (social ou privé).  En finalité, certains bailleurs privés ont attaqué et Lille-Métropole a été obligée d’accepter la libéralisation des loyers. Autre exemple, aux Pays Bas, l’Etat règlemente les loyers pour l’ensemble des parcs (social et privé), ce qui permet du coup d’avoir une limitation du loyer au m2, même pour les promoteurs privés et cela permet d’avoir une homogénéité dans les loyers proposés C’est l’Etat qui rassemble ces éléments-là. Ce qui fait que dans le parc social il y a une certaine mixité, pas d’engorgement du parc social par rapport au parc privé parce qu’il y a des loyers à peu près équivalents. En Martinique, nous sommes sur un loyer moyen de 380/390 € pour un F3 dans le parc social pour 650 € environ dans le privé, pour des prestations et un entretien souvent à revoir.

 

CAUE : Le futur du logement collectif : Est-ce que le vieillissement de la population et l’émigration des jeunes peuvent être des paramètres propres à modifier vos programmes à court et à moyen terme ?

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : Nous avons anticipé là-dessus.  Par rapport au vieillissement de la population c’est vrai que la SM HLM a eu vraiment un côté visionnaire : nous avons parlé des petits logements, la livraison dès 2010 des résidences « Séniors » appelées résidences « Silver » au départ c’était pour les plus de 65 ans et autonomes. Nous avons revu notre stratégie par la suite, nous avons rabaissé l’âge minimum à 50 ans, en modifiant l’appellation « Sénior » en « Silver » qui était mieux perçue par les locataires.

Aujourd’hui nous avons des personnes d’une quarantaine d’années et plus, souffrant parfois de handicap, qui ont envie de se retrouver dans un endroit plus calme. Nous proposons ainsi un logement desservi par ascenseur sur tous les étages. Le logement est complètement adapté et permet le maintien le plus longtemps possible de la personne dans son logement. Nous mettons un ascenseur en « R+3 » alors que ce n’est pas obligatoire, pour amortir le coût de charge de l’ascenseur.

SM HLM (M. PHILIAS) : On ne peut pas faire cela sur 4 logements, il faut avoir un minimum de 30 logements.

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : L’évolution des constructions sur les dernières opérations, permet la création de jardins avec des plantes aromatiques, qui permettent le développement de jardins partagés entretenus et gérés par l’association Médiaterre. Notre vision est de réfléchir à la notion du cadre de vie et d’habitat. Par exemple cette année nous avons eu des subventions du Fonds pour l’Innovation Sociale pour la mise en place d’un transport collectif social pour cinq de ces résidences « Silver ». Les locataires pourront bénéficier à partir du mois d’octobre d’un transport à la carte avec un tarif unique quel que soit le nombre de kilomètres. Certains de nos résidents sont déjà très contents. On essaye de réfléchir toujours avec une association en support, parce que cela n’est pas notre métier. On vient en tant que facilitateur.

 

CAUE : Vous êtes très à l’écoute de la population, de « vos futurs clients », de leurs besoins et à l’adaptation à la situation générale de notre territoire. On se rend compte que même si on voit peu de bâtiments s’élever, il y a plein d’actions, avec des projets, sur la proximité, le confort et le bien-être. Vous gérez une machine extraordinaire.

SM HLM (Mme DIB-PITROLLE) : Ce n’est pas forcément notre métier, mais quelque part, améliorer le cadre de vie des résidents c’est aussi faire en sorte que les gens s’approprient et donc respectent là où ils habitent. Qui dit « respect », dit « moins de dégradations », il y aura donc une incidence favorable sur l’entretien des bâtiments. Il s’agit de réfléchir au cercle le plus vertueux possible pour maintenir notre patrimoine et un bon cadre de vie.

Nous avons toujours porté une attention particulière à nos espaces verts et aux traitements paysagers, (palmiers, clôtures …). Pour une résidence, on n’emploie plus le terme « cité », mais celui de « résidence ». Tous ces petits changements modifient les comportements.

Il peut y avoir des difficultés, parce qu’il existe aussi des débordements, du fait de la fragilité de certains de nos locataires. Notre métier en cela évolue.

 

CAUE : La SM HLM serait-elle prête à s’investir dans les écoquartiers, dont les contraintes à respecter peuvent contribuer à une augmentation du coût de revient des logements

 SM HLM (M. PHILIAS) : Nous sommes prêts à nous investir dans ces projets, mais dans une certaine mesure, comme je l’ai dit la finalité c’est un logement réglementaire, décent, avec un coût de sortie de loyer en adéquation avec le public que l’on a en face. Nous nous sommes positionnés sur le projet de la SAS Bon Air. Mais à la vue du cahier des charges, nous ne pourrons pas réaliser toutes les demandes, sauf si nous avons des subventions. Nous ne sommes pas fermés à l’expérimentation. Comme exemple, au Prêcheur, nous participons au projet d’autoconsommation électrique d’une de nos résidences, en partenariat avec la Mairie du Prêcheur, EDF, et l’ADEME. Il s’agit d’une expérimentation sur 5 logements sur les 10 de la résidence. Le locataire n’aura normalement aucune dépense en électricité, même s’il reste raccordé au réseau EDF en cas d’absence prolongée du soleil (cyclone par exemple).

Nous avons autorisé le fait que l’on utilise nos toitures à disposition, nous ne sommes pas fermés à l’expérimentation. Cela permettra de sensibiliser les locataires à leur consommation d’énergie.

SM HLM (Mme DIBB-PITROLLE) : J’ai vu que vous avez fait un article sur la bambouseraie, par exemple, c’est typiquement le projet et l’expérience qui répond à notre climat qui aurait pu répondre à nos besoins. Typiquement quand on va dans certaines régions d’Amérique du Sud ou d’Asie, on voit ce qui est fait avec le bambou, le vétiver pour la rétention des sols, nous avons des exemples plus près de chez nous mais malheureusement ces spécificités territoriales ne sont pas trop prises en considération. Il y a eu la RTAADOM et la RTM,  c’est déjà un bon début, peut-être que les choses évolueront.

Pour revenir sur l’écoquartier pourquoi pas… mais dans une certaine mesure tout dépend de l’impact sur le coût de revient de l’opération et par voie de conséquence la sortie de loyer. On cherche à trouver des économies avec les entreprises, sur la productivité, à mutualiser des commandes, on est draconien, on ne traite avec aucune entreprise qui n’est pas à jour de ses attestations sociales et fiscales, assurance décennale, c’est obligatoire. On essaye d’assainir la profession à notre niveau.

 

ITW réalisée le 19 septembre 2018

Crédits photos : SM HLM

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